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Rud'Est Unity

Webzine dédié aux SUBCULTURES de l'Est de la France ... et d'ailleurs!

Oi! Oi! Oi!

Publié le 25 Février 2014 par Rud'Est Unity in Interviews - Biographies

Oi! Oi! Oi!

Un peu d'histoire ne fait jamais de mal, surtout quand ça concerne la musique... Pour cela, il faut retourner dans les années 70, au commencement du Punk pour ensuite glisser progressivement dans les années 80, à la découverte de la Oi! . Ça s'appelle HISTORY OF OI! ...

Après 1978 la plupart des groupes anglais estampillés " Punk " jettent l'éponge ou optent pour un style plus commercial. Mais le mouvement ne périt pas pour autant. Il renait sous d'autres formes stylistiques plus dures et parfois plus radicales. L'une d'elles sera la oi! .

Oi! Oi! Oi!

Il subsiste bien une paire de groupes formés avant 1977 qui refusent de jeter l'éponge. Il y a d'abord SHAM 69 dont le chanteur Jimmy Pursey a bien du souci parce que ses concerts rameutent énormément de skinheads et de franchement violents. A cette période ( fin des années 70 ) les skinheads ont délaissé les musiques noires et adopté majoritairement le punk-rock plus basique. Malgré plusieurs participations à des concerts organisés par "Rock Against Racism" le groupe SHAM 69 gardera jusqu'à la fin une sale réputation à cause de l'amalgame avec son auditoire ( ses fans se surnomment alors la " SHAM ARMY " ). SHAM 69 démarrait ses concerts par la diffusion de la B.O du film " orange mécanique " et l'hymne patriotique " Land of Hope and Glory " : l'ambiance autours de SHAM 69 est de plus en plus houleuse mais ses disques se vendront toujours plus. En aout 1980 Pursey arrête le groupe et passe le relais à deux jeunes formations les Cockney Rejects et Angelic Upstarts.

Documentaire sur Sham 69

L'autre survivant à l'époque c'est le groupe UK SUBS de Charlie Hurper qui fait figure de " grand frère protecteur " de la scène Punk .

Oi! Oi! Oi!

Les UK SUBS font alors le lien avec la génération suivante : au delà des Cockney Rejects et des Angelic Upstarts apparaissent dès la fin 1977 ( et plus particulièrement en 78 et 79 ) des dizaines de groupes qui se forment un peu partout au Royaume Uni. Tous ceux ci ne se reconnaissent pas dans l'évolution que subit le Punk : glissement vers la " new-wave ", " popification " et dérive commerciale. Ces groupes sont majoritairement issus de la classe ouvrière, des banlieues de Birmingham, Leeds, Sheffield ou Glasgow... A contrario des premiers Punks qui cherchent encore à s'extirper de cet environnement, ils revendiquent leurs racines. Ils adoptent selon cette origine et leur culture " working class " un uniforme, un discours, un son. On les appelle bientôt " Oi! " : ils sont mal élevés, peu cultivés, inaptes à la pratique musicale mais ils en sont fiers... Ils rejettent le coté " Destroy " et nihilistes des " Anarchos-Punk " et s'imprègnent du chauvinisme du mouvement skinhead.

Documentaire sur UK Subs

Angelic Upstarts et Cockney Rejects ont aussi un point commun : la connexion avec le journaliste Gary Bushell. Grand fan de The Clash, il a fait aussi ses classes au Social Worker,l'organe de presse du "Socialist Worker Party " ( l'équivalent britannique de la LCR ). Il monte son propre fanzine Napalm avant de rejoindre l'équipe de " Sounds " et de prendre la défense des groupes plutôt méprisés par ses collègues comme UK Subs, Menace et Sham 69. Il sera aussi le premier à s'interresser au revival Mod et au Ska.

Oi! Oi! Oi!

Il rencontre pour la première fois the Cockney Rejects en mai 1979. Le groupe est emmené par les deux frères Greggus ( Mickey et Jeff ), fils de Dockers venant de l'East end London ( zone prolétaire de la capitale ) et boxeurs amateurs de bon niveau. Mais ce sont avant tout ,comme les membres de "Cock Sparrer", des supporters acharnés du club de football de West Ham. Ayant démarré à l'été 1977 ils deviennent les protégés de Bushell qui sera leur premier manager et de Jimmy Pursey ( Sham 69 ) Le problème avec les Cockney Rejects c'est leur dévotion au club de West Ham dont le public reste noyauté par le " National Front " à cette époque. Ils s'attirent aussi les foudres des supporters les plus acharnés des autres clubs, transformant certains de leurs concerts en véritables batailles rangées entre hooligans. Les violences prennent une telle ampleur qu'un concert en Juin 1980 au cour duquel le groupe et ses fans doivent affronter deux cents skinheads supporters du club de Birmingham city ,oblige pratiquement les Cockney Rejects à cesser de se produire en public. Après 3 albums ( Greatest hits Vol 1 et 2 en studio et un Vol. 3 en public ) les Cockney Rejects calment le jeu et s'orientent à partir de 1981 vers une musique plus commerciales et moins "polémique".

Interview des Cockney Rejects

Angelic Upstarts connait aussi des problèmes mais surtout avec la police. Formé pendant l'été 1977 par Tommy " Mensi " Mensforth, apprenti mineur, et Ray " Mond " Cowie, électricien dans la construction navale ( tous deux sont originaires d'une cité arrière de South-Shield, nord ouest de l'Angleterre).

Oi! Oi! Oi!

Le groupe s'illustre dès son premier 45T en enregistrant " The Murder of Liddle Towers " un hommage accusateur du boxeur Liddle Towers décédé à la suite d'une garde à vue particulièrement musclée. La face B s'appelle " Police Opression " et attire l'attention de la police qui parvient à empêcher le groupe de jouer dans un premier temps. Mensi ne cache pas ses sympathies pour le " Socialist Worker Party ". Il est régulièrement suivi par un agrégat de fans qui se nomme la " Upstart Army " constitué essentiellement de skinheads. Les choses vont s'envenimer en Aout 1979 lors d'un concert avec les Cockney Rejects à Londres ou un groupe de skinheads affiliés au " British Movement " vient pertuber l'évènement. Ce n'est pas la première fois que cela se produit : en Avril 1979 à Wolverhampton le concert se termine en pugilat général à cause d'une cinquantaine de supporters du National Front " Sieghheilant " à tout va malgré l'intervention de Mensi. Cela commence à nuire à la réputation de leurs concerts.

Documentaire sur Angelic Upstarts

Bushell n'est toujours pas découragé et pense pouvoir " fédérer " un mouvement autour des 2 groupes. Il reçoit de plus en plus de démos à son bureau chez Sounds. Il compile les meilleurs enregistrements sur un disque sorti en novembre 1980 qui s'intitulera " Oi! the Album ".

Oi! Oi! Oi!

Le disque débute par le très opportun " Oi! Oi! Oi! " des Cockney Rejects et inclut entre autres : Angelic Upstarts, The 4-Skins, " Peter and The Test Tube Babies " et The Exploited. The Exploited est loin du look néo skinhead. Son chanteur Wattie est affublé d'une crête de cheveux d'une bonne vingtaine de centimètres, style " iroquois " et porte un blouson de cuir dont les revers sont couverts de têtes de clous. Avec les " Upstarts " ils sont les seuls à adopter un discour un tant soit peu politique et jouent beaucoup plus vite que leurs collègues. Ces derniers célèbrent avant tout le mode de vie skinhead, bière, bagarre, matchs de foot et jeu du chat et de la souris avec la police le tout sur un tempo généralement plus tranquille et des refrains sortis tout droit des tribunes de football. C'est l'essence même du mouvement Oi! tel que le décrit, le théorise et tente de l'organiser Garry Bushell qui instaure même des " conférences Oi! " dans les bureaux de Sounds en compagnie de musiciens qui se sentent concernés ( ceux de groupes présents sur la compil plus les membres de deux nouveaux groupes " Infa Riot " et " The Business " ) y sont définis une pluralité ou une neutralité politique, teintée cependant d'un patriotisme de " classe ", de revendications prolétariennes, anti-Establishment et anti-capitalistes et la volonté d'organiser des soutiens à différentes causes liées à la classe ouvrière tout en prônant une unité entre Punks, Skins et tous les autres et l'abandon au moins progressif du fanatisme hooligan centré autour des équipes de football.

Compilation "Oi! the album" (1980)

Mais le 3 juillet 1981 un concert avec the 4 Skins, The Business et The Last Resort ( goupe sponsorisé par la boutique Londonienne de fringues skinhead du même nom ) tourne à l'affrontement entre les spectateurs du concert et la communauté Indienne/Pakistanaise à Southall puis à l'émeute après l'intervention de la police. Pour la presse cela parait clair ce sont les groupes Oi! qui par leurs provocations sont à l'origine des émeutes. Bushell affirme que les skinheads présents n'étaient pas d'extrême droite et que les cocktails molotov qui ont fait partir les pub en fumée avaient été préparées de longue date par les jeunes du quartier.

Oi! Oi! Oi!

Pour la 2ème compilation de groupes Oi! à paraitre au mois de mai 1981 Bushell décide d'utiliser l'image d'un skinhead particulièrement agressif prêt à mettre un coup de doc martens dans la tronche du spectateur. Mais malheureusement il s'agit de Nicky Crane un skinhead néo-nazi. Pour enfoncer le clou, le disque devait s'appeler " strenght thru Oi! " un jeu de mot basé sur le disque " strenght thru Joy " du groupe écossais The Skids; c'était aussi le nom d'un programme de " divertissement pour la classe ouvrière " mis en place par le parti National Socialiste d'A. Hitler dans les années 30. Deux mois après sa sortie le Daily Mail tombe sur l'affaire décortique tout ce qui peut paraitre douteux et c'en est fini de la crédibilité du journaliste, des groupes Oi! et de l'hebdomadaire Sounds qui jusqu'à sa fin en 1989 restera stigmatisé par cette affaire.

Compilation "Strength Thru Oi!" (1981)

Il y aura encore deux autres compilations Oi! ( Carry on Oi! en Déc. 1981 et Oi! Oi! that's yer lot en Oct. 1982 ) qui se vendront très bien.

Oi! Oi! Oi!

Jusqu'en 1983 il y aura un constant renouvellement des groupes : Riot Squad, One Way System, The Gonads ( le groupe de Bushell ), The Ejected, The Partisans, Abrasive Wheels, The Violators, Blitz, Red Alert, The Opressed ( groupe" antifasciste" ) et quelques dizaines d'autres. Il s'opère progressivement une osmose dans les groupes : de vrais punks à crêtes ou des musiciens aux cheveux mi longs se mêlent aux crânes rasés des skinheads. Major Accident, The Violators ( pendant quelques mois ) et the Adicts afficheront un autre look directement tiré de orange mécanique ( bretelles et chapeau melon plus maquillage facial... ). Les pochettes de leurs disques sont volontairement laides et mal fichues. Le discours se veut revendicateur et vindicatif; le chant est littéralement aboyé mais l'ensemble du mouvement s'enferme rapidement dans l'uniformité. Loin d'être l'expression d'un courant souterrain et marginal les disques de ces groupes se vendent bien en particulier ceux de The Exploited qui rentre régulièrement dans le Top 30 entre 1981 et 1982.

Documentaire sur The Exploited

Les choses se dégradent à nouveau à partir de 1984 : la violence continue de marquer beaucoup de concerts, les musiciens se séparent souvent par manque d'argent et pire ils apprennent à jouer en se tournant vers la variété ( Cockney Rejects ) ou le Heavy Metal ( English dogs, GBH, Discharge ). Skrewdriver le groupe de Ian Stuart ( séparé en 1978 puis reformé en 1981 ) est désormais ouvertement néo-nazi et fidèle à l'image skinhead. Il entraine donc un peu plus loin cet amalgame-parfois justifié... En 1976 arborer des croix gammées était un jeu, une provocation pour les punks. Au début des années 80 c'est désormais une rêgle, un enjeu pour beaucoup de skinheads. La scène Oi! n'était pas une scène "politisée" au départ : elle va évoluer à l'image de son public : les skinheads ont déjà commencé à se radicaliser, les punks qui les cotoyaient encore avec certains groupes, finiront aussi par se raser la tête et les fans de football sombrent méthodiquement dans la violence et le hooliganisme.

(texte: Spirit Of Ten's)

(mise en page et illustration: Rud'Est Unity)

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